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RICHARD STRAUSS, CET ESPIEGLE FRANÇAIS

RICHARD STRAUSS, CET ESPIEGLE FRANÇAIS

Qui ne connaît pas Richard Strauss, la quintessence de la musique germanique, le paroxysme et la fin de la musique romantique ? Au XXème siècle ce géant est, à l’opéra allemand, ce que Puccini est à l’opéra italien, et rien que son « Salomé », écrit à 41 ans et créée en 1905, surclasse ( et de très loin, pour moi), les modernistes « officiels » que sont les représentants de la Seconde école de Vienne, Arnold Schöenberg, Anton Webern et Alban Berg.

Mais c’est précisément dans cette œuvre qui avait fait scandale lors de sa création, tout comme la pièce éponyme d’Oscar Wilde qui l’a inspirée, que Strauss se révèle plus français qu’on ne le pense habituellement, et ceci à trois titres.

Tout d’abord, la pièce de Wilde est écrite [lire la suite]

OTAR TATAKISHVILI : ALLEGRO ALLA BREVE DU DEUXIEME CONCERTO POUR PIANO

OTAR TATAKISHVILI : ALLEGRO ALLA BREVE DU DEUXIEME CONCERTO POUR PIANO

Il est rare qu'une découverte soit aussi inattendue et belle que celle que j'ai faite d'Otar Taktakishvili cet après-midi, alors que France Musique consacrait une émission à la musique géorgienne.

On sait l'extraordinaire polyphonie de la musique traditionnelle de ce pays haut en couleurs, qu'il s'agisse de la musique populaire ou celle d'église. Le géorgien n'est pas une langue indo-européenne, et sa prosodie très particulière a donné naissance à des musiques singulières qui épousent les courbes de la langue et offrent des textures riches et savoureuses.

Mais dans le domaine de la musique savante, malgré quelques noms connus et une oeuvre ou deux rien ne m'avait frappé jusqu'ici.

C'est une très joyeuse surprise que d'entendre Allegro alla breve du Deuxième concerto pour piano de ce compositeur au nom très percussif qui avait signé dans ses années [lire la suite]

ELLA FITZGERALD

ELLA FITZGERALD

L'une de mes premières impressions musicales, c'était elle.

Sur mon petit tourne-disque, à douze ans, je découvrais cette chanteuse, en écoutant les vinyles de mon père.

"How high is the moon?", me disait-il, et nous dessinions ensemble, à quatre mains - moi, la lune, et mon père- l'échelle pour l'atteindre.

"Tu vois, Ella Fitzgerald a atteint la lune", me disait-il. Je ne le comprenais pas très bien, mais je suis resté longtemps sous l'impression de ce mystère: voilà une femme un peu dodue, au sourire désarmant, qui avait l'air si familier et naturel lorsqu'elle chantait, et qui en même temps demeurait dans les espaces intersidéraux auxquels les simples mortels accédaient seulement par sa procuration.

Duke Ellington a eu mille fois raison de dire: "Ella is beyond category". J'ai toujours été imperméable à Billy Holiday, Nina Simone que j'avais [lire la suite]

ARRANGEMENT DES BEATLES PAR BERIO EN 1967

  ARRANGEMENT DES BEATLES PAR BERIO EN 1967

En 1967, deux ans après leur écriture, le compositeur italien Luciano Berio arrangeait trois chansons des Beatles, Michelle, Ticket to Ride et Yesterday.

Souvent, les compositeurs contemporains sont perçus comme des auteurs des musiques ésotériques pleines de fausses notes dont la production est inaccessible aux simples mélomanes mortels.

Mais "musique contemporaine" ne veut rien dire, ce n'est pas un style, et il n'y a jamais eu autant de musiques diverses écrites par des compositeurs d'aujourd'hui.

Et les meilleurs d'entr'eux (Luciano Berio étant incontestablement le compositeur italien majeur des années 60 -80) ont fait parfois des digressions, comme ici.

Il faut préciser que Berio était déjà conscient des limites de l'expression du langage contemporain à son époque, qu'il a tenté d'élargir à la fois par un regard vers les musiques traditionnelles (ses Folk [lire la suite]

SKRIABINE

SKRIABINE

Vraiment, la musique russe est la plus variée qui soit, rien ne lui manque, ni la sentimentalité sensible et touchante (Tchaïkiovski), ni la sentimentalité qui risque de basculer dans la vulgarité (Rachmaninov), ni la sauvagerie primitive devenue modernité (Stravinsky), ni la sauvagerie industrielle devenue primitive (Mossolov), ni la jovialité solaire (Prokofiev), ni le dramatisme exacerbé (Chostakovitch), ni le raffinement aristocratique et diaphane, ni le mysticisme affirmé et incandescent (Skriabine pour les deux).
Skriabine, mort bizarrement pour avoir gratté un petit bouton au-dessus de sa lèvre, le jour où s'achevait son bail locatif. Skriabine, atteint de synesthésie (faculté involontaire d'associer un son à une couleur précise), comme Olivier Messiaen, mort le même jour 77 ans plus tard.
Même s'il émerge de plus en plus ces dernières années, [lire la suite]

LE TRAVAIL DE BILL VIOLA SUR TRISTAN ET ISOLDE

LE TRAVAIL DE BILL VIOLA SUR TRISTAN ET ISOLDE

Beaucoup critiquent, désapprouvent, voire détestent le travail de Bill Viola pour la mise en scène de Tristan et Isolde. Moi j'ai adoré, et je vais préciser pourquoi. D'abord, ma théorie est qu’au XXe et XXIe siècles le cinéma a remplacé l'opéra dans son rôle social. Notre société est devenue, grâce au cinéma et la télévision, une société de l'image bien plus qu'elle ne l'était au XIX siècle. « La parole humiliée » de Jacques Ellul est un livre entièrement consacré à ce sujet. Et hier soir à Bastille la prégnance initiale de l'image était presque gênante au débu, car l'unique décors était constitué par un écran géant sur lequel se déroulaient les images de Viola. Le danger de basculer du côté de l'illustration [lire la suite]

ANNIVERSAIRE DE ZAPPA

ANNIVERSAIRE DE ZAPPA

Aujourd'hui, l'anniversaire de l'une des figures  les plus remarquables de la musique du XXe siècle, le compositeur Frank Zappa. 

Impossible de définir le domaine où il a oeuvré : le rock, la pop, le jazz, la musique électronique ou encore la musique contemporaine... 

Tout aussi impossible de cantonner son action dans le domaine restreint du divertissement où la logique implacable du marché voudrait réduire la musique. 

Créant un univers personnel, très riche en termes d'éléments du langage, abolissant les frontières entre les genres et les styles, Zappa a pu mener à bien la cohérence de sa démarche qu'il appelait "la continuité conceptuelle". 

Zappa aimait à se définir comme "American composer", et il est à la fois en dehors et à l'intérieur de cette définition. 

D'abord par ses [lire la suite]

ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PUCCINI

ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE PUCCINI

C’est aujourd’hui, mais 94 ans plus tôt, que Puccini mourait à Bruxelles, laissant inachevée « Turandot », son œuvre ultime.

Puccini est une énigme. Provenant d’une longue série de musiciens d’église, doué certes mais sans génie apparent dans ses dispositions, paresseux (plaintes régulières de ses professeurs), pas très cultivé, en panne d’inspiration souvent, il a réussi à faire émerger une œuvre opératique des plus importantes.

Sur les douze opéras qu’il a composés cinq ou six sont au sommet du répertoire, « La Bohème », « Tosca », « Madame Butterfly » et « Turandot » étant, pour certains, le sommet même de cet art si difficile.

Très sensible aux femmes, avec un penchant [lire la suite]

CONCERT DE TIGRAN HAMASYAN à L'OLYMPIA , 5 JUILLET 2022

CONCERT DE TIGRAN HAMASYAN à L'OLYMPIA , 5 JUILLET 2022

Le concert de Tigran Hamasyan hier à l'Olympia fut un événement. Naturellement tout concert de Tigran l'est, mais il y avait hier quelque chose de particulier qui donnait le sentiment d'une forme globale. Tigran revient à Paris qui l'a fait connaître à ses débuts, et il revient aux standards de jazz, point de départ de sa musique. Mais il revient ayant accompli tout un parcours et acquis un langage personnel complet, ce qui fait de cette "revisitation" à la fois une démonstration de puissance et un étonnant constat de renouveau.

Toute musique qui veut aller loin est enracinée. L'ADN de toute la musique américaine pulsée se trouve dans le blues afro-américain. En Europe, un Christophe Monniot a voulu poser les bases d'un jazz qui puise sa source dans la musette auvergnate. Obnubilé par la ligne mélodique, Tigran Hamasyan a inventé un discours mélodique à [lire la suite]

"FIN DE PARTIE" DE KURTAG A L'OPERA GARNIER

"FIN DE PARTIE" DE KURTAG A L'OPERA GARNIER

Un événement tellement attendu ce soir à Paris - l'ultime opéra de Gyorgy Kurtag.

Impressions mitigées cependant...

Je commence par les avantages qui se résument à un lieu et un mot : l'orchestre.

Maître des formes brèves, auteur d'une science musicale immense, pétri de connaissances et de reconnaissances envers ses prédécesseurs, Kurtag développe tout un monde intérieur au sein de l'orchestre dont chacun des impacts, parcimonieusement distribués, est un objet précieux en soi.

Le discours orchestral est continuellement fragmentaire : tantôt un motif monodique (mais orchestré différemment à chaque "étage"), tantôt un solo (exploration des registres limites, où l'on sent que Kurtag maîtrise le poids de chaque note de chaque instrument dans le passage des registres, comme la solitude émouvante du basson dans l'aigu et [lire la suite]